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Sclérodermie systémique

Rédigée par Paul Legendre et Luc Mouthon, Université Paris Descartes, Service de Médecine Interne, Hôpital Cochin, Centre de Référence Maladies systémiques auto-immunes rares, Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP–HP), Paris, France (juin 2015)
 

Qu’est-ce que la sclérodermie systémique ?

La sclérodermie systémique est une maladie rare du tissu soutenant les organes (tissu conjonctif) et des petites artères (artérioles) dont la principale caractéristique est un durcissement de la peau. En effet l’origine étymologique du mot sclérodermie vient de la conjonction de deux termes en grec : σκλήρωσις, (sclérosis) qui signifie « durcissement » et δέρμα, (derma),  « la peau ». Bien que les lésions cutanées soient les plus évidentes, les poumons, le tube digestif, le cœur, les articulations, le rein peuvent également être atteints ; raison pour laquelle on parle de sclérodermie systémique (ScS).

 

Combien de personnes en sont atteintes et qui peut être atteint ?

Sa prévalence (nombre des cas dans une population donnée à un moment précis) varie de 30 à 240 de cas par million d’habitants, avec des maximums en Amérique du Nord et en Australie et une prévalence la plus basse en Asie (Japon). Le nombre de patients atteints de ScS en France est évalué à 8000 environ, sur la base d’une étude menée en Seine-Saint Denis ayant retrouvé une prévalence de 158 par million d’habitants, avec une nette prédominance féminine (3 à 8 femmes malades pour un homme). Elle peut survenir à tout âge, mais se déclare le plus souvent entre 50 et 60 ans.

 

A quoi est-elle due ?

En premier lieu, la ScS est due à des anomalies du tissu conjonctif, c’est-à-dire le tissu soutenant et protégeant la structure des organes. L’architecture de ce tissu de soutien est primordiale et dépend d’un équilibre entre les différentes cellules et protéines entrant dans sa composition. Dans le cas de la ScS, l’architecture du tissu conjonctif est perturbée par une accumulation de fibres de collagène. Le collagène est une protéine présente à l’état normal dans de nombreux tissus (peau, os, tendons) et impliquée dans les processus de cicatrisation. Sa production en excès conduit à une perte de la déformabilité des organes (ou fibrose) : de la peau, de la paroi des vaisseaux, des poumons, entraînant une perte d’élasticité et altérant leur fonction d’échange gazeux.

Cette « cicatrisation excessive » est la conséquence d’une réaction inflammatoire inadaptée de ces tissus. En effet, il existe une activation anormale du système immunitaire qui se dirige vis-à-vis de composants de l’organisme, expliquant l’altération de certains tissus. Lorsque les cellules immunitaires s’attaquent à leur propre organisme, on parle de réaction auto-immune. Au cours de la ScS, il existe une réaction auto-immune, identifiée par la mise en évidence dans le sérum des patients sclérodermiques d’anticorps dirigés contre des antigènes constituant le noyau des cellules.

Les causes de cette auto-immunité ne sont pas connues, elles pourraient survenir sur un terrain génétique particulier et être favorisées par des facteurs de l’environnement. Ainsi, la silice et certaines substances chimiques (solvants, hydrocarbures…) ont été reconnues comme responsables du déclenchement de la ScS.

 

Est-elle contagieuse ?

Non. Aucun agent infectieux n’a été identifié comme responsable de cette pathologie.

 

Mes enfants peuvent-ils l’avoir ?

Les formes familiales de ScS sont très exceptionnelles, suffisamment pour répondre non à cette question. Il ne s’agit pas d’une maladie génétiquement transmissible à proprement parler. Cependant certains gènes peuvent prédisposer à l’apparition d’une maladie auto-immune, et ainsi il existe un terrain de susceptibilité à développer une autre maladie auto-immune dans certaines familles de patients ayant une ScS.

 

Quelles sont les manifestations cliniques ? 

La ScS est une maladie systémique c’est-à-dire qu’elle peut toucher l’ensemble des organes ; cependant son expression clinique est très variable d’un patient à l’autre, pouvant aller d’une atteinte cutanée distale à une atteinte cutanée étendue éventuellement associée à des atteintes de plusieurs organes.

Les manifestations les plus fréquentes sont le phénomène de Raynaud (confère chapitre suivant) et les atteintes cutanées, digestives et articulaires. L’atteinte interstitielle pulmonaire survient dans 1/3 à la moitié des cas. L’hypertension artérielle pulmonaire et la crise rénale, deux complications redoutables, surviennent respectivement dans 10% et 5% des cas, respectivement.

 

Atteinte cutanée

L’épaississement cutané, responsable d’une peau dure et sèche, est souvent marqué au niveau des doigts réalisant une sclérodactylie (doigts boudinés, éventuellement scléreux, luisants). On oppose classiquement deux formes de ScS, selon l’extension de l’atteinte cutanée : les formes où l’atteinte cutanée est diffuse, touchant le tronc et la racine des membres, et les formes limitées où l’atteinte est limitée aux extrémités, ne remontant pas au-dessus des coudes ou des genoux, et au visage. L’atteinte cutanée du visage est souvent associée à une limitation de l’ouverture de la bouche qui peut être à l’origine d’une gêne considérable pour l’alimentation et les soins dentaires. On observe également des anomalies de pigmentation de la peau, avec la possibilité d’une hyperpigmentation quelquefois spectaculaire, ou de plages dépigmentées, qualifiées de « pseudo-vitiligo ».

Indépendamment des lésions de sclérose, de petits vaisseaux tortueux peuvent apparaitre à la surface de la peau, que l’on appelle télangiectasies. Elles siègent principalement au niveau des lèvres, dans la bouche, sur le visage, les mains, mais peuvent en fait se trouver sur toutes les zones de peau.

 

Phénomène de Raynaud

Le phénomène de Raynaud est la conséquence d’un spasme des vaisseaux des extrémités (principalement des doigts) entraînant une diminution du débit sanguin et pouvant conduire au noircissement des tissus (ischémie). Cette manifestation, qui n’est pas spécifique de la ScS, est déclenchée par le froid et a une présentation très stéréotypée : la crise débute par une pâleur des doigts, puis les doigts deviennent bleutés et engourdis, enfin une douleur intense survient concomitamment d’une recoloration rouge des doigts. La crise peut durer de quelques minutes à quelques heures. Le phénomène de Raynaud est présent chez 95% des patients ayant une ScS, et précède le plus souvent de plusieurs années l’apparition des autres signes de la maladie. A la différence du phénomène de Raynaud idiopathique il intéresse volontiers les pouces et peut entraîner des plaies (troubles trophiques). Il peut concerner toutes les extrémités de manière symétrique : les doigts, les orteils, le nez ou les oreilles.

Ce phénomène peut entrainer la survenue d’ulcérations des extrémités des doigts. Ces ulcérations, qui sont très douloureuses, peuvent se surinfecter et/ou conduire à une gangrène.

 

Atteinte digestive

Le reflux gastro-oesophagien est l’un des symptômes les plus fréquents (75 à 90% des patients) au cours de la ScS, il est aussi l’un des plus précoce. Il est caractérisé par une sensation de brûlure remontant dans le milieu de la poitrine survenant après les repas et reflète une remontée du liquide gastrique acide dans l’œsophage. Le reflux gastro-oesophagien peut s’accompagner de nausées, d’éructation et/ou de toux. L’agression de la muqueuse œsophagienne par le liquide gastrique peut entraîner une irritation (œsophagite) et éventuellement un rétrécissement (sténose) de l’œsophage et induire des difficultés à avaler les aliments : une dysphagie (sensation de blocage ou de gêne après avoir avaler un aliment). C’est la raison pour laquelle il est important de surveiller la prise alimentaire des patients sclérodermiques qui peuvent être dénutris.

De façon plus rare, l’estomac peut avoir des difficultés à se vider (gastroparésie), ce qui se traduit volontiers par des vomissements retardés par rapport au repas et contenant des aliments non digérés. L’intestin grêle peut être touché avec la survenue d’un ralentissement du transit pouvant aller jusqu’à un arrêt du transit appelé « pseudo-occlusion », qui peut entraîner une pullulation des bactéries présentes dans le tube digestif responsable d’une diarrhée abondante. Cette « pullulation microbienne » peut entraîner des difficultés à absorber les aliments (malabsorption). Le gros intestin (colon) peut également être touché, entrainant une diarrhée et/ou une constipation. Enfin, une atteinte du rectum peut être à l’origine d’une incontinence anale.

 

Atteinte musculo-squelettique

La ScS est souvent responsable de douleurs musculaires (myalgies), articulaires (arthralgies) et/ou tendineuses, qui peuvent être très invalidantes dans certains cas. Ainsi, les patients sclérodermiques développent une authentique myopathie inflammatoire dans près de 5% et une polyarthrite dans environ 15% des cas.

Dans 23% des cas les patients sclérodermiques ont des calcinoses, qui correspondent au dépôt de cristaux calcaires d’hydroxyapatite au niveau des tissus sous cutanés, le plus souvent au niveau de la pulpe des doigts. Leur risque évolutif principal est la survenue d’ulcérations et plaies chroniques avec le risque d’une surinfection.

 

Atteinte pulmonaire

Les atteintes pulmonaires de la ScS constituent les complications potentiellement graves de la ScS. Tout d’abord le poumon peut être le siège d’un excès de production de collagène conduisant  à un durcissement s’intégrant dans le cadre d’une pneumopathie interstitielle diffuse. Cette pneumopathie fibrosante peut empêcher la diffusion de l’oxygène entre les alvéoles et les vaisseaux sanguins. Les symptômes associés à ce type d’atteinte pulmonaire sont : une toux sèche et un essoufflement à l’effort.

La ScS peut également affecter les artères allant du cœur aux poumons et entraîner une hypertension artérielle pulmonaire (HTAP). L’épaississement de la paroi de ces artères est à l’origine d’une diminution du diamètre de ces vaisseaux  et d’une augmentation de la pression dans le réseau des vaisseaux sanguins, ce qui altère le fonctionnement du cœur.

Etant donné que les atteintes respiratoires de la ScS peuvent évoluer longtemps sans que le patient ne se plaigne de symptômes importants, il est indispensable de les dépister en réalisant de façon systématique une échographie cardiaque et des épreuves fonctionnelles respiratoires.

 

Crise rénale sclérodermique

L’atteinte des vaisseaux du rein par la ScS peut entraîner une crise rénale sclérodermique : il s’agit d’un dysfonctionnement brutal du rein qui se caractérise par une augmentation importante et rapide de la pression artérielle (hypertension artérielle maligne) qui peut entrainer une insuffisance cardiaque et nécessiter une hémodialyse. Il s’agit d’une complication sévère qui survient préférentiellement chez les patients ayant une ScS diffuse de diagnostic récent, d’autant plus qu’ils ont des anticorps anti-RNA polymérase III et qu’ils ont éventuellement reçu préalablement une corticothérapie à forte dose. Le traitement repose sur la prescription précoce d’inhibiteurs de l’enzyme de conversion.

 

Atteinte cardiaque

Le muscle cardiaque (myocarde) peut être la cible de la maladie réalisant une myocardiopathie sclérodermique dont les manifestations sont celles d’une insuffisance cardiaque : essoufflement, douleurs thoraciques et gonflement des jambes (œdèmes). L’enveloppe du cœur peut elle aussi être touchée et produire un liquide qui gêne le travail de pompe du cœur, c’est une péricardite.

Enfin comme nous l’avons vu précédemment, l’augmentation des pressions dans les petites artères des poumons (artérioles pulmonaires) peut entraîner une insuffisance cardiaque.

 

Quelle est son évolution ?

L’évolution de la ScS est très variable d’un individu à l’autre. Les ScS avec atteinte cutanée diffuse s’étendent en général pendant les trois premières années de la maladie, et peuvent régresser progressivement ensuite. Ces formes diffuses sont plus fréquemment associées à la survenue d’atteintes d’un ou plusieurs organes : muscle (myosite), rein (crise rénale sclérodermique), poumon (fibrose pulmonaire ou hypertension pulmonaire), cœur (insuffisance cardiaque) et leur pronostic est de ce fait plus réservé que dans les formes limitées.  Les formes limitées se compliquent plus rarement d’atteintes viscérales graves et ont classiquement un meilleur pronostic.

 

Comment fait-on le diagnostic ?

Le diagnostic de ScS est avant tout clinique, aidé éventuellement par la mise en évidence de certains autoanticorps et l’identification d’anomalies caractéristiques à la capillaroscopie. A un stade précoce, le diagnostic est difficile car les symptômes sont peu spécifiques de la maladie (phénomène de Raynaud et/ou reflux gastro-œsophagien). Les critères de classification de la ScS ont été récemment révisés. Ces critères permettent le calcul d’un score à partir d’une liste d’items associés à des points, l’obtention d’un score de 9 permettant de poser le diagnostic de ScS. En particulier, l’existence d’une sclérose cutanée (épaississement de la peau) touchant les doigts et s’étendant au-delà des articulations entre les doigts et la main suffit à retenir le diagnostic de ScS.

 

Quels sont les examens complémentaires nécessaires ?

Pour aider à confirmer le diagnostic de ScS, le médecin propose aux malades une prise de sang à la recherche d’auto-anticorps dans leur sérum : anticorps anti-nucléaires à la recherche d’un pattern anti-centromère, anti-antigènes nucléaires solubles à la recherche d’un anticorps anti-topoisomérase 1 (Scl70), anticorps anti-ARN polymérase III. Ces anticorps sont mutuellement exclusifs. Le médecin proposera également un examen permettant de détecter des anomalies des petits vaisseaux sanguins au pourtour des ongles (capillaroscopie péri-unguéale), à la recherche de capillaires géants appelés mégacapillaires et de plages avasculaires. Il réalisera un scanner thoracique en coupes fines haute résolution à la recherche d’une pneumopathie interstitielle, une échographie cardiaque trans-thoracique qui permet de rechercher une élévation de la pression artérielle pulmonaire et des épreuves fonctionnelles respiratoires (EFR) qui permettent de rechercher une diminution des volumes pulmonaires et une diminution de la diffusion lente du monoxyde de carbone (DLCO). Enfin, des radiographies des mains seront effectuées à la recherche dépôts de calcium dans les tissus sous la peau appelés calcinoses.

Une fois le diagnostic de ScS confirmé, le médecin cherchera l’existence de certaines complications de la maladie en fonction des symptômes présentés par le patient : examens biologiques en particulier NFS plaquettes et dosage de la créatinine, des créatine phospho-kinases, électrocardiogramme, fibroscopie œsophagienne et gastrique. De plus, le suivi évolutif du patient sera assuré par la réalisation chaque année d’un bilan biologique, d’un électrocardiogramme, d’une échographie cardiaque trans-thoracique et d’EFR avec DLCO. 

 

Peut-on prévenir son apparition ou la dépister ?

Il n’est pas possible de prévenir l’apparition de la ScS, cependant on peut limiter l’exposition professionnelle aux substances susceptibles de la déclencher ou de l’aggraver (silices, solvants…).

Le dépistage de la ScS repose sur la réalisation chez les patients présentant un phénomène de Raynaud suspect (débutant très à distance de la puberté, survenant chez un homme, touchant les pouces, entrainant des troubles trophiques, s’accompagnant d’autres symptômes) d’une capillaroscopie péri-unguéale et de la recherche d’autoanticorps spécifiques de la ScS : anticorps anti-centromère, anti-topoisomérase 1 (Scl70), anti-ARN polymérase III (cf supra).

 

Le traitement

 

Existe-t-il un (des) traitement(s) médicamenteux ?

Oui, divers types de traitement existent. On sépare les traitements de fond et les traitements dit symptomatiques qui ne vont pas empêcher l’évolution de la maladie mais vont limiter l’intensité de ses manifestations.

 

Traitement de la sclérodermie systémique

A ce jour aucun traitement anti-fibrosant n’a fait la preuve de son efficacité dans la ScS. Pour prévenir l’évolution vers l’aggravation de cette maladie auto-immune, les médecins utilisent des traitements ciblant les cellules du système immunitaire : les traitements immunosuppresseurs.

Les plus connus d’entre eux sont les corticoïdes qui vont réduire l’inflammation dans les tissus et apporter une amélioration rapide. La ScS est la seule maladie systémique au cours de laquelle les corticoïdes risquent d’entraîner une complication redoutable de la maladie, la crise rénale sclérodermique, et de ce fait ne doivent jamais être utilisée à forte dose, au-delà de 15 mg/jour. Les corticoïdes à faible dose peuvent être utilisés dans les atteintes articulaires, musculaires inflammatoires, les péricardites. Malheureusement leur utilisation à long terme est responsable de nombreuses complications.

Parmi les immunosuppresseurs utilisés en traitement de fond de la ScS, on trouve le méthotrexate, le mycophénolate mofétil et le cyclophosphamide. Il est recommandé d’utiliser un de ces trois immunosuppresseurs dans le traitement des formes diffuses de ScS évoluant depuis moins de trois ans. On utilise plutôt le méthotrexate en cas d’atteinte articulaire ou musculaire inflammatoire, le cyclophosphamide en cas de pneumopathie interstitielle aggravative ou sévère d’emblée, et le mycophénolate mofetil dans les formes diffuses de la maladie en l’absence d’atteinte viscérale grave.

Enfin en cas de formes extrêmement sévères, certains malades peuvent bénéficier d’une « remise à zéro » de leur système immunitaire par une chimiothérapie très intense permettant d’éradiquer tous les globules blancs de la moelle osseuse. Une fois cette chimiothérapie réalisée on réinjecte de jeunes globules blancs prélevés chez le même malade auparavant pour repeupler la moelle : c’est l’autogreffe de cellules souches de la moelle osseuse (hématopoïétique).

 

Phénomène de Raynaud et ulcères digitaux

Pour le phénomène de Raynaud comme pour les autres atteintes vasculaires, les traitements visent à favoriser la circulation sanguine dans les petits vaisseaux en agissant par différents mécanismes. Pour empêcher la contraction des cellules musculaires lisses (CMLV) présentes dans la paroi artère et ainsi limiter le spasme des vaisseaux, les traitements de la classe des inhibiteurs calciques sont utilisés comme la nifédipine (employée dans le traitement de phénomènes de Raynaud sévères). Les analogues de la prostacycline tels que l’iloprost, le treprostinil ou l’époprostenol agissent quant à eux comme vasodilatateurs.  L’iloprost a montré son efficacité dans le traitement des phénomènes de Raynaud sévères. Par ailleurs le losartan est un antagoniste des récepteurs à l’angiotensine de type II, donc un antihypertenseur permettant également une vasodilatation qui est employé dans cette indication. Ces traitements doivent être associés à des mesures préventives, notamment l’arrêt du tabac (confère point suivant). Lorsqu’une ulcération survient, il faut s’assurer de l’absence d’infection associée qui nécessitera la prise d’antibiotique. Des pansements gras permettent d’améliorer la cicatrisation, quelques fois une intervention chirurgicale est nécessaire.

 

Atteinte pulmonaire

En plus du traitement immunosuppresseur, la pneumopathie interstitielle diffuse peut nécessiter l’utilisation d’oxygène. Par ailleurs, l’augmentation des pressions dans les artères pulmonaires peut être améliorée par l’utilisation de traitement relaxant les parois artérielles et favorisant la circulation sanguine. Les analogues de prostacycline (l’iloprost, le tréprostinil ou l’époprosténol) sont prescrits dans la prise en charge de l’HTAP. D’autres voies de signalisation induisant une relaxation des CMLV et donc des artères pulmonaires sont ciblées par d’autres familles de molécules. Les antagonistes des récepteurs de l’endotheline-1 (ET-1), inhibent l’action vasoconstrictrice de l’ET-1 sécrétée en excès par les cellules endothéliales dans ce contexte. Trois molécules sont prescrites à l’heure actuelle : le bosentan, le macitentan et l’ambrisentan. En stimulant une autre molécule, le guanosine monophosphate cylcique (GMPc), les inhibiteurs de la phosphodiestérase de type 5 induisent également un relâchement du tonus vasculaire et sont surtout connus du fait de leur utilisation dans le traitement des dysfonctions érectiles. Le sildénafil et le tadalafil s’administrent tout deux par voie orale au cours de la prise en charge de l’HTAP. Enfin, la transplantation bi-ou cardio-pulmonaire constitue l’alternative thérapeutique ultime chez les patients ne présentant pas de contre-indication

 

Atteinte digestive

Le traitement du reflux gastro-œsophagien est symptomatique, on utilise une classe de médicaments diminuant l’acidité gastrique largement disponibles : les inhibiteurs de pompe à protons (oméprazole, pantoprazole, ésoméprazole, lansoprazole, rabéprazole). On peut y associer un prokinétique (domperidone, métopimazine, métoclopramide) mais surtout des mesures simples sont préconisées (Confère point suivant).

 

Crise rénale

Le traitement de la crise rénale sclérodermique repose sur l’utilisation d’un traitement antihypertenseur appelé inhibiteur de l’enzyme de conversion (IEC). Ce traitement bloque l’action d’un mécanisme hormonal qui augmente la pression artérielle et peut à terme endommager le rein. Dans cette classe, le captopril reste le chef de file mais d’autres IEC peuvent être prescrits à une dose progressivement croissante jusqu’à une dose maximale en 48 heures comme l’énalapril, le perindopril ou le fosinopril.

 

Atteinte musculo-squelettique

La prise en charge des douleurs des patients sclérodermiques repose surtout sur la prise d’antalgiques comme le paracétamol ou le tramadol. En cas de myopathie inflammatoire prouvée, l’utilisation de corticoïdes et d’immunosuppresseurs est nécessaire. Cependant il ne faudra pas prescrire une dose de prednisone à plus de 15 mg/jour. Dans tous les cas, il est indispensable d’adjoindre à ces traitements des mesures physiques (rééducation fonctionnelle) (confère point suivant).

 

Existe-t-il d’autres traitements ou mesures que le patient puisse faire ?

Les mesures préventives que le malade peut prendre pour limiter les complications de la ScS sont indispensables. Le patient doit être informé sur sa maladie et éduqué de façon à connaître les situations à éviter.

Tout d’abord l’arrêt du tabac est indispensable car il aggrave le phénomène de Raynaud, augmente le risque d’ulcération et d’ischémie digitale, précipite l’évolution vers une fibrose pulmonaire et entretient le reflux gastro-œsophagien.

La peau étant sèche et fragile, il est recommandé d’appliquer des crèmes hydratantes de type hydrocolloïdes pour la réhydrater mais aussi de surveiller régulièrement l’apparition de plaies.

Afin de limiter les accès de Raynaud il faut se protéger du froid  et de l’humidité, porter des gants en soie sous les gants de laine ou en polaire, bien isoler ses pieds et porter des vêtements chauds, en protégeant le cou et la tête. Il faut aussi proscrire certains médicaments favorisant les accès de Raynaud comme les bêtabloquants (même en collyre), les collutoires ou les anti-migraineux.

Pour éviter l’apparition d’ulcères digitaux il faut éviter les activités s’accompagnant d’un risque de blessure ou de coupure des extrémités, observer une bonne hygiène cutanée et unguéale, et assurer la protection et l’hydratation des doigts.

Le reflux gastro-œsophagien peut être mieux contrôlé par l’application de mesures simples : fractionnement des repas, limiter les prises alimentaires dans les trois heures précédant le coucher, surélever la tête du lit.

La prise en charge des douleurs chroniques peut être améliorée par des méthodes physiques : massage, séances de relaxation et surtout en limitant les contraintes exercée sur les articulations et les tendons (perte de poids, limiter le port de charge lourde). Une information par un kinésithérapeute sur les gestes à éviter est nécessaire.

Enfin, pour préserver une bonne capacité respiratoire, la poursuite d’une activité physique douce et régulière est importante.

 

Y-a-t-il des effets indésirables de ces traitements ?

Oui, les traitements immunosuppresseurs et particulièrement les corticoïdes sont responsables d’effets secondaires qui doivent être connus et reconnus par les patients.

Comme nous l’avons déjà vu, ces traitements ont pour objectif de limiter l’action du système immunitaire. En conséquence, les malades sont plus à risques d’infections microbiennes : bactéries, virus, champignons. Il est donc nécessaire de consulter en cas de fièvre ou de signes d’infection en cours de traitement immunosuppresseurs. La tenue d’un carnet vaccinal à jour ainsi que des vaccinations complémentaires sont également conseillés aux patients afin de prévenir des infections fréquentes et potentiellement graves comme le pneumocoque, la grippe et Hæmophilus influenzæ.

Les corticoïdes ont d’autres effets secondaires gênants : prise poids, œdèmes, lésions cutanées (vergetures, taches rouges appelées purpura), risque d’apparition d’un diabète, d’une cataracte et augmentation de la fragilité osseuse (ostéoporose). Heureusement, aujourd’hui les médecins savent bien prévenir ces complications et en limiter les effets : réduire la dose de corticoïdes, limiter la durée du traitement, adapter le régime alimentaire et prescrire de la vitamine D pour assurer la solidité de l’os. En outre, le traitement corticoïde ne doit pas être interrompu brutalement. Il est donc indispensable pour un malade sous corticoïdes d’être suivi par son médecin de façon rapprochée.

Les autres traitements immunosuppresseurs ont d’autres effets indésirables comme le cyclophosphamide qui peut augmenter le risque de stérilité secondaire (incapacité à être enceinte) chez les jeunes femmes.

D’une manière générale, beaucoup de ces traitements ne sont pas utilisables pendant la grossesse.

Ces effets indésirables et les modalités de prescriptions sont bien connus des médecins, il est donc nécessaire de suivre scrupuleusement la prescription indiquée sur l’ordonnance.

 

Un soutien psychologique est-il nécessaire ?

Un soutien psychologique n’est pas toujours nécessaire, mais souvent utile. Ainsi, comme au cours de nombreuses maladies chroniques, le soutien il fait partie intégrante de la prise en charge. La ScS peut être à l’origine de souffrances psychologiques quelquefois très marquées. Ces souffrances sont liées à la maladie elle-même : douleurs, modification de la peau, du visage, difficultés d’alimentation, fatigue, mais aussi aux traitements de la ScS : examens et/ou hospitalisations répétées, traitements lourds. Certains patients développent un état anxieux et/ou une dépression qui doivent être dépistés et traités. Une prise en charge pluridisciplinaire associant le médecin spécialiste, le médecin généraliste et éventuellement le psychologue ou le psychiatre favorise le dialogue et aide à améliorer la vie au quotidien et le vécu de la maladie par le patient.

 

Quelles sont les conséquences de la maladie sur la vie quotidienne (sociale, professionnelle, familiale…) ?

La ScS est une maladie chronique et peut avoir des répercussions dans tous les secteurs de la vie des patients.

La ScS est une maladie « visible » car elle touche le visage, la peau et peut être responsable de difficultés sociales : altération de l’image corporelle, difficultés rencontrées dans les relations sociales et professionnelles. Par ailleurs, elle est souvent la cause de douleurs intenses chroniques qui sont très invalidantes et peuvent avoir des répercussions sur l’activité professionnelle. Enfin, le handicap des mains et la fragilité des doigts peut empêcher certains malades d’exercer leur métier (professions manuelles ou exposées au froid par exemple).

Concernant les enfants atteints de ScS, même s’ils sont rares, ceux-ci doivent bénéficier d’une scolarité normale dans le cadre d’un PPS (projet personnel de scolarisation) ou PAI (projet d’accueil individualisé).

Les grossesses sont possibles en dehors de certaines situations particulières : insuffisance respiratoire chronique, hypertension artérielle pulmonaire, insuffisance rénale évoluée. Ces grossesses doivent être anticipées et discutées à l’avance. La ScS doit être contrôlée et les traitements potentiellement tératogènes (pouvant entrainer des malformations chez le fœtus) devront être interrompus.  Les grossesses survenant chez une patiente sclérodermique doivent être prises en charge conjointement entre une équipe obstétricale entrainée et un spécialiste de la ScS.

Les équipes médicales et paramédicales (infirmiers, psychologues, kinésithérapeutes, assistantes sociales…) doivent travailler de concert avec le patient et son entourage pour les aider à mieux connaître et accepter la maladie. L’objectif de cette prise en charge pluridisciplinaire est de donner aux malades et à leur famille toutes les chances de réussir à mener une vie aussi normale que possible au-delà de la maladie.

 

Comment se faire suivre pour la maladie ?

Le suivi de la ScS sera assuré par un médecin spécialiste de la ScS tous les trois à six mois en consultation, et au minimum tous les ans en hospitalisation de jour pour réaliser un bilan de la maladie. Le suivi sera rapproché dans les formes diffuses et plus espacé dans les formes limitées. Les spécialistes de la ScS sont les centres de référence maladies rares (en particulier le centre de référence de la sclérodermie systémique, Pr Hachulla, Service de médecine interne, Centre Hospitalier Universitaire de Lille  (http://www.chru-lille.fr/medecine-ville/maladies-rares/101119.html), et le centre de référence pour les vascularites nécrosantes et sclérodermies systémiques, Pr Mouthon, Service de médecine interne, Hôpital Cochin, Assistance Publique des Hôpitaux de Paris (http://www.maladiesautoimmunes-cochin.org/sclerodermies-systemiques-9.html?PHPSESSID=uuvsnmid21ib5ljdut9pog4do4)., les centres de compétence, les centres experts regroupés dans la filière FAI2R (http://www.fai2r.org/accueil/liste-des-centres-de-reference-et-de-competence-fai-r/56-liste-des-centre-de-reference-et-de-competence-fai2r) : maladies auto-immunes systémiques et auto-inflammatoires de l’enfant et de l’adulte. Il peut s’agir de services de médecine interne, de rhumatologie, de dermatologie, de médecine vasculaire, ou de pédiatrie.

L’atteinte spécifique d’organe peut également être suivie conjointement par d’autres spécialistes : cardiologue, pneumologue, gastro-entérologue, gynécologues-obstétriciens mais aussi par les dentistes/odontologues, infirmiers, kinésithérapeutes, ergothérapeutes, sage-femmes.

 

Quels sont les signes à connaître qui nécessiteraient de consulter en urgence ?

L’urgence la plus redoutée est la crise rénale sclérodermique. Elle nécessite une hospitalisation en urgence si elle est suspectée. Les signes qui doivent servir d’alarmes sont : des maux de tête « battants » en casque intenses, inhabituels, des mouches volantes devant les yeux, un flou visuel, un gonflement des chevilles et des jambes important, une réduction du volume des urines ou un essoufflement récent. Une augmentation de la pression artérielle (hypertension artérielle) devra être recherchée, et aidera à conforter le diagnostic.

Par ailleurs, toute plaie cutanée ou apparition d’ulcère, en particulier au niveau d’un doigt, doit motiver une consultation rapide chez son médecin.

En cas de prise de traitement immunosuppresseur et de corticoïdes, toute fièvre doit amener le malade à consulter en urgence son médecin traitant ou contacter son médecin référent pour la ScS.

 

Où en est la recherche ?

La ScS est une maladie encore mal comprise, la recherche médicale tend donc à mieux décrire les mécanismes à l’origine de sa survenue mais aussi de la survenue de ses complications. Une meilleure compréhension de ces mécanismes devrait permettre aussi de proposer de nouveaux traitements plus ciblés et plus efficaces. Comme dans beaucoup de maladies auto-immunes, le développement de nouvelles molécules appelées biothérapies pourrait permettre de mieux traiter les malades. Ainsi des anticorps monoclonaux devraient permettre de cibler spécifiquement les étapes clés du développement de la ScS. Actuellement des essais thérapeutiques sont en cours pour tester l’efficacité de ces traitements. Il existe en France un groupe de recherche sur la ScS, le Groupe Francophone de Recherche sur la Sclérodermie systémique (GFRS) (www.sclerodermie.net).

 

Y-a-t-il des associations de patients ayant cette maladie ?

Oui, l’Association des Sclérodermiques de France (ASF) a été fondée en 1989 et reconnue d’utilité publique en 2004  (http://www.association-sclerodermie.fr/). Il y a également une fédération européenne des associations de malades atteints de ScS (FESCA) qui a pour but d'apporter un soutien aux personnes souffrant de la ScS (http://www.fesca-scleroderma.eu/). La journée mondiale de la sclérodermie est le 29 juin chaque année.

 

Peut-on avoir une prise à charge à 100% ?

Les patients ayant une ScS avec une atteinte d’organe (poumon, tube digestif, rein) bénéficient d’une prise en charge à 100% au titre de l’Affection Longue Durée 30 (ALD 30). Les manifestations articulaires et tendineuses peuvent être la cause d’apparition d’un handicap qui pourra être reconnu comme tel à la maison départementale des personnes handicapées (MDPH).

Par ailleurs, la survenue d’une ScS chez une personne ayant une exposition professionnelle à la silice peut donner lieu à la reconnaissance en maladie professionnelle de la ScS (tableau n° 25 des maladies professionnelles dans le régime général) avec un délai de prise en charge de 15 ans (délai maximal entre la fin de l'exposition et l'apparition de l'affection).

 

Pour obtenir d’autres informations sur cette maladie, contactez Maladies Rares Info Services au 01 56 53 81 36 (appel non surtaxé) et www.maladiesraresinfo.org