Rédigé par Benjamin Terrier & Loïc Guillevin, Service de médecine interne, Centre de Référence National pour les Vascularites systémiques, Hôpital Cochin, AP-HP, Paris (juin 2014)
Qu'est ce que la granulomatose avec polyangéite ?
La granulomatose avec polyangéite (anciennement maladie de Wegener) est une vascularite systémique caractérisée par une atteinte inflammatoire des vaisseaux sanguins. Elle fait partie de la famille des vascularites associées à des anticorps dirigés contre le cytoplasme (c'est-à-dire le contenu d'une cellule à l'exception du noyau) des polynucléaires neutrophiles (appelés ANCA), touchant des vaisseaux sanguins de très petite taille présents dans les différents organes.
Combien de personnes en sont atteintes et qui peut être atteint ?
La prévalence de la granulomatose avec polyangéite (nombre de personnes atteintes de la maladie dans une population donnée) est d'environ 50 à 150 cas pour 1 000 000 habitants. La maladie concerne essentiellement les patients d'origine Européenne, avec une fréquence plus élevée dans le Nord de l'Europe que dans le Sud de l'Europe. Il semble existe une augmentation de la prévalence de la granulomatose avec polyangéite au cours des dernières décennies.
La maladie concerne aussi bien les hommes que les femmes, et survient en moyenne vers l'âge de 55 ans.
A quoi est-elle due ?
Les causes de la granulomatose avec polyangéite ne sont pas connues. Les mécanismes expliquant la survenue de cette maladie sont complexes et impliquent de nombreux dysfonctionnements du système immunitaire. Un rôle combiné d'un terrain génétique particulier (sans qu'il s'agisse pour autant de maladies génétiques), de facteurs de l'environnement (comme des expositions particulières à des toxiques), et de dysfonctionnements du système immunitaire sont fortement suspectés.
Le rôle « toxique » des anticorps détectés dans cette maladie, les ANCA, n'a pas été formellement démontré dans le cas de la granulomatose avec polyangéite
Est-elle contagieuse ?
La granulomatose avec polyangéite n'est pas une maladie contagieuse. Il n'y a donc pas de risque pour l'entourage du patient malade.
Mes enfants peuvent-ils l’avoir ?
La granulomatose avec polyangéite n'est sont pas une maladie génétique transmise des parents aux enfants. Même si le terrain génétique des patients, c'est-à-dire l'ensemble des gènes hérités des différents parents, peut jouer un rôle favorisant pour développer une granulomatose avec polyangéite, il n'est pas suffisant à lui tout seul pour déclencher la maladie. Cela est démontré par le fait que les formes familiales de granulomatose avec polyangéite sont exceptionnelles.
Quelles sont les manifestations cliniques ?
La granulomatose avec polyangéite peut toucher de nombreux organes, expliquant pourquoi elle est considérée comme une maladie dite systémique.
Elle se présente habituellement au début par des symptômes généraux (fièvre, amaigrissement, fatigue, perte d'appétit), et parfois des douleurs musculaires et/ou des articulations. Ensuite, d'autres manifestations plus spécifiques de la maladie peuvent apparaître, en fonction des organes concernés par l'inflammation de la paroi des vaisseaux sanguins. Le nombre de manifestations cliniques chez les patients est très variable d'un patient à un autre.
Atteinte du nez et des sinus
L'inflammation du nez et des sinus est fréquente au cours de la granulomatose avec polyangéite, présente dans plus de 80% des cas. Elle se manifeste par une impression de nez bouché, des croutes lors du mouchage, des saignements de nez (épistaxis), ou des douleurs au-dessus ou au-dessous des yeux (sinusites). Il peut exister également une baisse de l'audition témoignant d'une otite, une inflammation des cartilages de la face (base du nez, pavillons des oreilles), ou plus rarement des rétrécissements de la trachée ou des bronches.
Atteinte des poumons
Une inflammation des poumons s'observe chez 75% des patients atteints de granulomatose avec polyangéite. Les symptômes sont alors une toux, un essoufflement, une douleur dans la poitrine, ou des crachats contenant du sang lors d'un effort de toux. Ce saignement peut être particulièrement sévère à l'origine de difficultés très importantes pour respirer. La granulomatose avec polyangéite peut également provoquer des lésions arrondies dans les poumons, appelées nodules, ou des épanchements de liquide autour des poumons (pleurésie).
Atteinte des reins
Une atteinte des reins est observée dans environ 70% des cas. Elle est liée à une inflammation des vaisseaux sanguins irriguant les filtres dans lesquels passent le sang (appelés glomérules). Les anomalies les plus fréquentes sont un excès de protéines dans les urines (protéinurie) et la présence de sang dans les urines (hématurie). Une augmentation de la créatinine dans le sang, reflétant l'état de la fonction des reins, peut également s'observer. En l'absence de traitement, l'atteinte des reins peut évoluer vers une perte de la fonction des reins (insuffisance rénale), nécessitant alors la mise en place d'une dialyse.
Atteinte des yeux
La granulomatose avec polyangéite peut provoquer une inflammation des yeux dans environ 30% des cas. Cette atteinte se manifeste par des douleurs et des rougeurs des yeux, plus rarement par une baisse de la vision, et traduit une inflammation d'une enveloppe autour de l'œil (sclére), appelée sclérite.
Atteinte de la peau
L'atteinte de la peau se manifeste le plus souvent par des petites taches rouges (appelées purpura), présentes au niveau des membres inférieurs le plus souvent. Ces tâches peuvent se nécroser et former des plaies de taille variable appelées ulcérations. Cette atteinte s'observe dans 30% des cas.
Atteinte neurologique
L'atteinte neurologique est présente dans 30% des cas, et peut concerner à la fois le cerveau et/ou la moelle épinière (appelés système nerveux central) et/ou les nerfs périphériques qui transmettent l'information au cerveau.
L'atteinte du système nerveux central peut avoir des conséquences graves comme un accident vasculaire cérébral dû à une souffrance du cerveau par manque d'oxygène ou à une hémorragie cérébrale par rupture d'un vaisseau sanguin, ou comme une inflammation de l'enveloppe du cerveau ou de la moelle épinière (les méninges), appelée pachyméningite.
L'atteinte des nerfs périphériques (neuropathie périphérique) se manifeste par des sensations anormales à type de fourmillements ou de picotements, une baisse de la sensibilité au toucher et/ou une baisse de la force des muscles des membres.
Atteinte intestinale
L'atteinte des intestins s'observe dans 10% des cas, et est à l'origine de douleurs souvent importantes au niveau de l'abdomen, de nausées, de vomissements ou de diarrhées parfois sanglantes. Rarement, les vascularites peuvent entrainer des ulcères dans la paroi des intestins et aboutir à une perforation. Ces atteintes peuvent mettre la vie en danger si un traitement souvent chirurgical n'est pas débuté en urgence.
Atteinte cardiaque
Les manifestations cardiaques sont retrouvées dans 5 à 10% des cas. Cette atteinte peut se manifester par des douleurs au niveau du thorax, des battements irréguliers du cœur (arythmie), ou une baisse de la fonction cardiaque à l'origine d'un essoufflement et d'une diminution de la quantité de sang délivrée aux organes.
Quelle est son évolution ?
La granulomatose avec polyangéite est une maladie qui, non traitée, peut avoir des conséquences graves, en raison de l'atteinte de certains organes, comme les reins, les poumons, les intestins ou le cœur. Cependant, si la maladie est diagnostiquée à son début, un traitement approprié permet la disparition des manifestations de la maladie dans la majorité des cas. Des rechutes sont possibles au cours du suivi. Le diagnostic de ces rechutes est en général plus rapide à faire, la maladie étant déjà connue.
Comment fait-on le diagnostic ?
Le diagnostic de granulomatose avec polyangéite est souvent difficile car les manifestations initiales sont souvent peu spécifiques, notamment les manifestations ORL qui peuvent précéder de nombreuses années l'apparition des autres atteintes de la maladie. C'est l'association des manifestations cliniques évocatrices et des résultats des examens complémentaires (analyses de sang, analyses d'urine, examens d'imagerie, biopsies) qui conduisent le médecin à évoquer ce diagnostic et à adresser les malades vers un centre spécialisé pour poser le diagnostic, évaluer la gravité de la maladie et choisir le traitement le plus adapté.
Quels sont les examens complémentaires nécessaires ?
Les examens complémentaires comprennent des analyses de sang, des analyses d'urine, des examens d'imagerie et des biopsies de lésions.
Les analyses de sang permettent de mettre en évidence la présence d'une inflammation, se traduisant par une augmentation des globules blancs et de la protéine C-réactive, une anémie éventuelle se traduisant par une baisse du taux d'hémoglobine, et une atteinte de la fonction des reins se traduisant par une augmentation de la créatinine. Les analyses de sang permettent également de rechercher des anticorps dirigés contre les polynucléaires neutrophiles (ANCA), qui sont très fortement associés à ce diagnostic. Au cours de la granulomatose avec polyangéite, les ANCA sont dirigés contre une molécule bien précise, la protéinase 3, qui est contenue dans ces globules blancs que l'on appelle les neutrophiles. On parle ainsi d'ANCA anti-protéinase 3 (PR3). Plus rarement, ces ANCA sont dirigés contre une autre molécule, la myéloperoxidase (MPO, on parle alors d'ANCA anti-MPO), ou être absents.
Les analyses d'urine permettent de déceler la présence anormale de protéines et/ou de sang, traduisant l'inflammation au niveau des reins.
Les examens d'imagerie recherchent des anomalies au niveau des sinus, des poumons, des intestins, du cerveau ou du cœur, organes atteints au cours de ces vascularites. Classiquement, le scanner retrouve un aspect de sinusite diffuse, et au niveau des poumons des images anormales appelées nodules, infiltrats ou condensations.
Enfin, la réalisation de biopsies est souvent indispensable pour confirmer le diagnostic de vascularite. La présence d'une inflammation de la paroi des vaisseaux sanguins associée à des granulomes permet alors de poser le diagnostic de cette vascularite, expliquant la dénomination de granulomatose avec polyangéite.
Peut-on prévenir son apparition ou la dépister ?
On ne peut pas prévenir l'apparition de cette vascularite. Le dépistage de la granulomatose avec polyangéite est en revanche possible, dès que des manifestations cliniques évocatrices sont observées.
Le traitement
Existe-t-il un (des) traitement(s) médicamenteux ?
Plusieurs traitements médicamenteux sont utilisés au cours de la granulomatose avec polyangéite, dans le but de réduire l'inflammation présente dans la paroi des vaisseaux sanguins. Le traitement classique repose sur un traitement à base de corticoïdes, associés ou non à un traitement immunosuppresseur. On distingue 2 phases distinctes de traitement: le traitement d'attaque ou d'induction, et le traitement d'entretien. Le traitement d'induction a pour but de transformer une phase active de la maladie en une phase quiescente sans manifestation clinique, appelée rémission. Le traitement d'entretien a pour but d'empêcher que la maladie ne se réveille, ce que l'on appelle une rechute.
Les corticoïdes, largement utilisés, sont des anti-inflammatoires très puissants qui permettent de contrôler l'inflammation observée au cours des vascularites. Ils sont en général administrés à fortes doses et pour une durée prolongée, supérieure ou égale à 1 an et demi, mais les modalités d'administration des corticoïdes sont variables d'un patient à un autre.
Les immunosuppresseurs sont des médicaments qui permettent de réguler le système immunitaire et de limiter son activité exagérée et inadaptée, lorsque les corticoïdes seuls ne permettent pas de calmer la maladie ou que les manifestations en rapport avec la vascularite sont particulièrement graves. On utilise au cours de la granulomatose avec polyangéite le cyclophosphamide, le rituximab, le méthotrexate ou l'azathioprine. Comme pour les corticoïdes, ils sont en général administrés pour une durée prolongée, supérieure ou égale à 1 an et demi.
Le choix de chaque molécule est variable selon les manifestations cliniques, leur sévérité, le type de patient que l'on amenait à traiter, et selon que l'on est en phase de traitement d'induction ou d'entretien.
Existe-t-il d’autres traitements ou mesures que le patient puisse faire ?
Les principales mesures thérapeutiques sont médicamenteuses. Cependant, les patients peuvent largement contribuer à la bonne évolution de leur maladie sous traitement.
S'agissant de maladies chroniques, la bonne prise des traitements médicamenteux et la venue régulière aux consultations médicales sont des éléments déterminants pour la bonne évolution.
Il est également recommandé d'avoir une hygiène de vie très saine, avec notamment un régime équilibré en cas de corticothérapie prolongée. Le maintien d'une activité physique et professionnelle est également, dans la mesure du possible, souhaitable.
Que peut-on espérer de ces traitements ?
Grâce aux traitements, les manifestations en rapport avec la granulomatose avec polyangéite régressent le plus souvent rapidement et permettent d'obtenir la rémission de la maladie. Il est cependant nécessaire de poursuivre un traitement au long cours, appelé traitement d'entretien, afin de réduire le risque de rechutes de la maladie. Ce risque de rechute était avant d'environ 50% au cours de la granulomatose avec polyangéite, mais les nouvelles stratégies de traitement permettent de diminuer fortement ce risque. Un suivi régulier des patients est cependant justifié pendant de nombreuses années.
Y-a-t-il des effets indésirables de ces traitements ?
Les médicaments utilisés au cours de la granulomatose avec polyangéite peuvent entraîner des effets indésirables. Les effets indésirables attribuables aux corticoïdes sont dépendants de la dose et de la durée d'administration. Il s'agit le plus souvent d'une prise de poids avec une accumulation de graisses au niveau de certaines zones du corps, d'un déséquilibre des taux de sucre dans le sang, d'une hypertension artérielle, d'une fragilité des os (appelée ostéoporose), de troubles de l'humeur et du sommeil, et d'une risque augmenté d'infections.
Les immunosuppresseurs ont aussi des effets indésirables potentiels. Ils ont tous en commun une augmentation du risque d'infections justifiant une attention particulière des patients, et une consultation en urgence chez son médecin traitant en cas de fièvre. Ensuite, les effets sont variables selon le type d'immunosuppresseurs. Le cyclophosphamide peut entraîner des irritations de la vessie et diminuer la fertilité chez les femmes en âge de procréer. Le rituximab peut donner des réactions allergiques pendant et au décours de la perfusion. L'azathioprine et le méthotrexate peuvent donner des irritations du foie et une baisse des globules rouges et globules blancs.
Un soutien psychologique est-il nécessaire ?
Un soutien psychologique peut être souhaitable, un diagnostic de maladie chronique pouvant provoquer des angoisses. Le retentissement sur la vie quotidienne et les effets indésirables des traitements peuvent également être mal vécu.
Quels sont les conséquences de la maladie sur la vie quotidienne (sociale, professionnelle, familiale…) ?
L'impact de la granulomatose avec polyangéite sur la vie quotidienne varie en fonction des manifestations de la maladie et de leur sévérité. La prise en charge initiale et la mise en route du traitement sont souvent source d'inquiétude pour les patients, et les différentes manifestations responsables d'une fatigue importante et d'une tolérance parfois moins bonnes aux activités physiques. Le retentissement sur la vie sociale, personnelle ou familiale peut ainsi être important. Lorsque la maladie est correctement contrôlée, la vie peut en revanche devenir proche de la normale voire normale.
Comment se faire suivre pour la maladie ?
Le suivi des personnes atteintes de granulomatose avec polyangéite se fait par des médecins compétents dans la prise en charge de cette maladie (médecins internistes et/ou spécialistes d’organe). Le suivi se fait de manière très régulière afin de s'assurer de l'efficacité et de la bonne tolérance du ou des traitements entrepris. Cette surveillance est clinique, mais également biologique avec des analyses de sang et d'urines, et enfin radiologique avec la réalisation de radiographies, échographies, scanners ou imageries par résonance magnétique (IRM).
Quels sont les signes à connaître qui nécessiteraient de consulter en urgence ?
Les manifestations cliniques ou biologiques nécessitant une consultation en urgence sont celles qui, en l'absence de prise en charge en urgence, pourraient mettre en jeu le pronostic vital ou le pronostic fonctionnel de l'organe atteint.
Parmi ces manifestations, il est important de noter :
- des difficultés respiratoires
- des crachats sanglants
- des douleurs abdominales intenses et/ou un saignement au niveau intestinal
- des troubles neurologiques à l'origine de perturbations de la force musculaire ou de baisse de la sensibilité
- une insuffisance rénale définie par une augmentation de la créatininémie sur le bilan sanguin
Où en est la recherche ?
La recherche sur la granulomatose avec polyangéite tente de mieux comprendre les mécanismes en cause dans la maladie et d'améliorer les traitements. Ces recherches sur les traitements et les mécanismes à l'origine de cette vascularite sont très actives au niveau international et au niveau national.
En France, le Groupe Français d'Etude des Vascularites (GFEV) et le Centre de Référence National pour les Vascularites systémiques, dirigés par le Pr Loïc Guillevin (Hôpital Cochin, Paris), conduisent des études thérapeutiques et physiopathologiques.
Y-a-t-il des associations de patients ayant cette maladie ?
L'association de patients "Wegener infos et autres vascularites" apporte une aide aux patients et aux familles de patients atteints de vascularites, et participent également activement à la recherche médicale en collaboration étroite avec le Groupe Français d'Etude des Vascularites.
Peut-on avoir une prise à charge à 100% ?
Les vascularites systémiques font partie dans la grande majorité des cas des affections de longue durée, donnant droit à une prise en charge 100% des frais médicaux liées à la maladie, d'une part en raison des traitements entrepris et d'autre part en raison du suivi clinique et biologique rapproché.
C'est le médecin traitant qui remplit et signe le formulaire de demande, appelé protocole de soins.
Les malades en situation de handicap dans leur vie quotidienne peuvent s'informer sur leurs droits et les prestations existantes auprès de la Maison Départementale des Personnes Handicapées (MDPH) de leur département.
Pour obtenir d’autres informations sur cette maladie, contactez Maladies Rares Info Services au 01 56 53 81 36 (appel non surtaxé) et www.maladiesraresinfo.org